Le Père Jean du Rivau SJ, pionnier de la réconciliation franco-allemande

Chaque période d'après-guerre démontre la nécessité de réconcilier des peuples autrefois antagonistes afin de maintenir une paix durable. Après la Seconde Guerre mondiale, un certain nombre de jésuites, français et allemands, engagés dans l'action sociale, ont répondu à cette importante mission par diverses initiatives. Jean du Rivau fut l'un de ces pionniers de la réconciliation franco-allemande.

Homme d'exception et de contact, à la forte personnalité, Jean du Rivau est né le 20 février 1903 au Mans dans une famille de la grande bourgeoisie de l'ouest de la France. Après sa formation, il devient aumônier des étudiants de la faculté de médecine de Paris et est ordonné prêtre en 1936. Il travaille avec le père Michel Riquet, collaborateur de la revue Études, et le père Desbuquois, s.j., fondateur de la revue Action populaire, qui a beaucoup contribué à faire comprendre le rôle social de l'Église.

Son parcours ne lui permet pas d'échapper à la confrontation. Il participe aux combats du printemps 1940, ce qui lui vaut plusieurs citations et la Croix de guerre. Fait prisonnier, il s'évade un mois plus tard. Pendant la guerre, il subit également l'influence du père Chaillet, jésuite de la faculté de théologie de Lyon-Fourvière et cofondateur avec le père Fessard en 1941 des Cahiers de Témoignage Chrétien clandestins, qui condamnent la barbarie nazie au nom de la foi chrétienne.

Appelé comme aumônier des Chantiers de Jeunesse mis en place par Vichy, il devient aumônier militaire en 1944-45 et est affecté à Offenbourg, capitale administrative et militaire de la Zone d'Occupation Française, au sein du Centre d'Information et de Documentation Economique et Sociales (CIDES), devenu un an plus tard le Centre d'Etudes Culturelles et Sociales.

Dans ce cadre, il met au point, au cours de l'été 1945, un outil d'information réciproque pour les Français et les Allemands : Documents pour les Français et Dokumente pour les Allemands. Son projet était de s'appuyer sur cet échange pour ouvrir la voie à la réconciliation et à la coexistence dans un monde en paix.

JRS Reconciliation


Il était animé par l'idée de nouer des contacts entre chrétiens français et allemands, et par la nécessité de créer des liens durables entre la France et l'Allemagne, en se mettant à l'écoute des Allemands et de leurs souffrances. La stratégie pour y parvenir consistait à informer les Français sur les Allemands et leur pays, en donnant aux Allemands l'occasion de s'adresser directement à eux par le biais de traductions. Et de fournir aux Allemands, souvent coupés du monde extérieur depuis 1933, des informations crédibles et facilement utilisables sur la France.

"Nous ne voulons pas prendre parti, nous voulons simplement éclairer les gens par des textes et leur permettre de se parler dans le futur", dit-il dans le premier numéro à propos de sa vision de cette publication.

Outre le magazine, il mettra en place d'autres initiatives pour rapprocher les deux peuples, comme la traduction en allemand de livres français essentiels pour le public allemand, et l'organisation de rencontres entre Français et Allemands pour rétablir le dialogue entre eux.

La revue et les autres missions du centre l'ont amené à jouer un rôle pionnier dans la médiation entre ces deux peuples autrefois antagonistes. Les premières rencontres entre écrivains catholiques français et allemands, d'abord à Lahr, près d'Offenburg (25-29 août 1947), puis à Royaumont (4-8 octobre 1948), en témoignent.

Ces initiatives de réconciliation ont été menées dans un contexte hostile. En effet, il n'était pas facile de créer les conditions d'un rapprochement alors que la politique française d'occupation visait davantage à punir les Allemands et à maintenir leur pays dans un état d'infériorité durable qu'à les préparer à devenir de futurs partenaires. Son projet ne s'inscrivait donc pas dans la politique officielle. Il devait donc faire face lui-même à des problèmes matériels et financiers difficiles, même si les autorités françaises d'occupation lui accordaient une aide.

Malgré des débuts difficiles, le père Jean du Rivau réussit à imposer son œuvre de réconciliation au point de devenir une figure incontournable des relations franco-allemandes. En 1954, il deviendra le premier Français à recevoir la Grand-Croix de l'Ordre du Mérite de la République fédérale d'Allemagne, et le premier à recevoir le Prix du Conseil de l'Europe en 1956. La Légion d'honneur lui a été remise par son ami Robert Schuman.

Jean du Rivau s'éteint le 3 janvier 1970, à l'âge de 67 ans, avec au moins la certitude de la pérennité de son œuvre. Le monde d'aujourd'hui, marqué par les conflits, a soif de personnes comme lui qui, animées par le message de pardon et d'amour pour les ennemis du Christ, militent par diverses actions pour la réconciliation entre les peuples en conflit.

Note : Ce texte est basé sur un article publié sur le Père Jean du Rivau dans Openedition de Henri Menudier, « Livres, Documents et BILD, Les articles des années 1945-1955 ».

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Par Boris FOKA

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Publié par SJES ROME - Coordinateur de la communication in SJES-ROME
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