Témoignage

Exportation non traditionnelle

José Fco. Yuraszeck Krebs S.J. (CHL) José Fco. Yuraszeck Krebs S.J. (CHL)

Par les temps qui courent, il est très fréquent qu’une grande partie des vêtements que nous portons ait été fabriquée autre part, très loin de nos lieux de résidence. Notez l’étiquette de votre chemise : vous trouverez sûrement écrit made in China, ou Vietnam ou Bangladesh, même si vous l’avez achetée dans un magasin qui existe depuis de nombreuses années dans votre pays et qui autrefois fabriquait ses produits dans son propre atelier. Il en est de même pour presque tous les objets que nous utilisons quotidiennement

Je viens du Chili, et ces derniers temps j’ai été très heureux de me retrouver dans plusieurs endroits où j’ai trouvé un produit d’exportation peu traditionnel : la figure du Père Hurtado, Saint Alberto Hurtado.

Le 18 août dernier, j’ai eu la chance de rappeler sa présence à l’occasion d’un autre anniversaire de sa mort à Scampia, Naples. Le centre que les jésuites y ont créé, près de la paroisse, grâce à la collaboration de nombreuses personnes, porte le nom de Padre Hurtado. C’est l’un des quartiers les plus difficiles de Naples, qui d’après ce que l’on nous raconte, a été pendant des années, un territoire totalement dominé par la Camorra – il était surnommé le supermarché de la drogue – , à tel point que la police n’osait pas y pénétrer, jusqu’au moment où, il y a quelques années, une forte intervention a permis de rétablir la paix, tout en construisant en proximité l’une des prisons les plus grandes d’Europe. Au Centro Alberto Hurtado de Scampia, parmi les programmes offerts, des hommes et des femmes de tous âges se réunissent, apprennent un métier, et confectionnent des carnets, des bonnets et des tee-shirts, avec l’inscription made in Scampia, dans le but de montrer au monde que ce qui y est produit et commercialisé, ne se limite pas à la drogue, aux conflits et à la violence, mais comprend également l’effort, le dépassement et la communauté.

J’ai rencontré ce nom tant de fois dans ma vie : depuis sa béatification en 1994, lorsque l’on montrait à la télévision l’histoire de sa vocation et de sa vie confiée au service du Règne. Un peu plus tard j’ai connu de près l’Infocap– Universidad del Trabajador en Santiago de Chile – qui s’inspirait de la figure du père Hurtado, qui parlait d’immoralité d’une société qui n’accordait pas les travailleurs une place centrale. Dans cette même institution, un projet de volontaires qui commençait à inviter de jeunes universitaires à se rapprocher de la réalité des familles vivant dans des bidonvilles, a pris au fil du temps pris la forme de « Techo para Chile », aujourd’hui dénommé simplement “ Techo ”, présent dans 19 pays d’Amérique latine. C’est à cette époque, après avoir connu la richesse de la spiritualité ignatienne des Exercices que ma vocation de servir la Compagnie de Jésus s’est réveillée, puis s’est confirmée après un moment passé comme volontaire dans la salle des malades en phase terminale, Père Hurtado du Foyer du Christ (Hogar de Cristo).

Étant jésuite, j’ai eu la chance de collaborer pendant deux ans dans la paroisse Jesus Obrero, près de la grande œuvre de Père Hurtafo, el Hogar de Cristo, et au sanctuaire où reposent ses restes. J’ai de nouveau collaboré à Techo l’année qui a suivi la canonisation de Padre Hurtado en 2005, un moment de fête qui a réveillé chez certains de nous la nécessité d’animer les communautés chrétiennes dans les bidonvilles et les quartiers où nous travaillions, en collaborant avec les familles et les dirigeants à la construction de leurs habitations et au rêve d’un monde meilleur. Dans la même paroisse Jesus Obrero, j’ai célébré avec de très nombreuses personnes aimées ma première messe en tant que prêtre, cela fait maintenant près de quatre ans, et les trois années successives j’ai collaboré au Centre universitaire ignatien del’Université Alberto Hurtado.

Alors que j’écris ces lignes, je me trouve à Rome, en train d’étudier pour ma licence en Théologie morale à l’Université grégorienne. Et je me suis rendu compte qu’il existait ici un Centro Fe Cultura qui porte le nom de Hurtado, et que partout dans le monde les jésuites ont veillé à son nom, inspiration et intercession pour baptiser les communautés et les initiatives les plus variées.

Le Père Hurtado était passionnément fidèle à Jésus, et vivait en étant attentif à reconnaître la présence agissante et interpellatrice de Dieu dans le monde et l’histoire. Cette attention en a attiré d’autres : au service, au travail académique et intellectuel, à l’organisation syndicale et communautaire, pour faire du monde un lieu plus accueillant, fraternel et solidaire. Et cela de diverses manières : en aidant, en offrant un repas, un toit où dormir. En promouvant également des initiatives de développement intégral avec un sens profond de ce que signifie être chrétien, en harmonie avec ce que le IIe Concile du Vatican affirmait quelques décennies plus tard, et avec ce que la Compagnie de Jésus déclara être sa mission pour notre époque : le service de la Foi et la promotion de la justice que cette foi exige.

Share this Post:
Publié par SJES ROME - Coordinateur de la communication in SJES-ROME
SJES ROME
Le SJES est une institution jésuite qui aide la Compagnie de Jésus à développer la mission apostolique, par sa dimension de promotion de la justice et de la réconciliation avec la création.